La différence invisible

scenarioJulie Dachez
dessinMademoiselle Caroline
editeurDelcourt
annee2016
notesAlbum cartonné de 200 pages au format 20×26

Le syndrome d’Asperger est une maladie apparentée à l’autisme et apparaissant dans l’enfance, caractérisé par des troubles des interactions sociales mais sans déficience intellectuelle ni troubles du langage contrairement aux autres autismes. Si l’autisme masculin est caractérisé par un manque d’empathie et de sociabilité, ces caractéristiques sont beaucoup plus discrètes chez les femmes. Elles possèdent des capacités d’adaptation bien meilleures à la vie en société.
Par ailleurs depuis quelques année le syndrome d’Asperger est médiatisé car parmi les personnes qui en sont atteintes, il existe un pourcentage non négligeable de personnes ayant des capacités intellectuelles hors normes dans des domaines surprenants (mémoire, art, mathématiques…).

L’auteur, elle-même atteinte de ce syndrome nous fait découvrir ses particularités, la façon dont fonctionne son esprit, ses émotions, ses interactions dans la vie de tous les jours.
Marguerite (nom quelle adopte dans l’album) a maintenant 27 ans, elle a un travail qui ne lui plait pas plus que ça, vit en appartement avec son chien et ses chats, mange végétarien. Bref, une jeune femme comme tant d’autres. Hypersensible aux bruits, l’arrivée de ses collègues au bureau et leurs discussions incessantes sont un véritable calvaire pour elle.
Ses collègues de bureau la jugent souvent comme une “no life” devant sa discrétion, son refus de participer aux sorties, à se confier sur sa vie, son habitude de manger seule au bureau.
Cela agace ses supérieurs qui attendent de leurs employés savoir-être et l’esprit d”équipe et non seulement savoir-faire, certains souhaitent aussi qu’elle s’habille plus en phase avec ses collègues, plus “mode”.
D’ailleurs question mode, quand un vêtement lui convient, elle le prend en de multiples exemplaires…

Marguerite délimite son quotidien de repères, de rituels, elle déteste le moindre imprévu.
Quand elle accepte d’aller à une soirée, c’est à l’écart quelle la passe, si bien qu’elle en devient “invisible” et c’est toujours elle qui part la première, au grand dam de son petit ami.
Se rendre chez des inconnus tourne vite au drame tant l’angoisse est prenante.
Avoir une vie sentimentale n’est pas chose aisée non plus, les difficultés relationnelles ne facilitent les rencontres. Marguerite est hypersensible aux bruits, aux odeurs, aux mouvements. Partager son lit avec ces contraintes n’est pas très sexy.

Le livre montre bien  toute l’énergie développée par Marguerite pour tromper les apparences, pour avoir une vie sociale comme tout le monde, pour que personne ne remarque ses rituels, sa routine.
Le lecteur mesure ses difficultés à comprendre les jeux de mots, l’humour. L’embarras causé quand elle prend une expression au premier degré, quand elle ne peut s’empêcher de dire ce qu’elle pense.
L’album montre aussi au travers de Marguerite les retards et les errances diagnostiques. Elle devra passer par un centre de ressources sur l’autisme pour être enfin diagnostiquée. Ce diagnostic est vécu comme une véritable libération, tout s’expliquait enfin. Elle n’était pas folle mais différente.
Toutefois, le scepticisme et les réactions de son entourage à l’annonce de son syndrome fut assez déconcertant et entrainera la rupture avec son petit ami, après 2 ans de vie commune.

Heureusement, Marguerite fréquente un groupe de paroles d’autistes qui se comprennent et s’encouragent. Ce diagnostic va bouleverser sa vie. Elle reprend des études, se lance dans son blog, réalise des vidéos pour Youtube et de fil en aiguille, cela aboutit à ce superbe album.
Bravo à Mademoiselle Caroline pour avoir si bien retranscrit le quotidien de Julie Dachez, sa différence. Bravo à Julie pour son engagement et pour sa participation à une meilleure connaissance de la maladie.
Je crois sincèrement que cette BD est mille fois plus explicite, didactique que n’importe quel cours professoral sur un banc de la faculté!
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La différence invisible
Copyright Mademoiselle Caroline/Delcourt

 

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